Salut les Boucles et Bouclettes !

Pour cette nouvelle interview, nous avons eu la chance de discuter « En Boucle etc… » avec Chantal Soutarson.

Chantal est journaliste et blogueuse spécialisée beauté, cosmétique et bien-être. Après de longues années à écrire pour la presse féminine, elle a décidé de créer le podcast Beauty Toaster axé sur la beauté et le bien-être, mais pas que ! Chantal nous fait découvrir le parcours de créateurs de marques cosmétiques ou d’experts du monde de la cosmétique, leurs personnalités, leurs valeurs et ce qui les anime dans leurs projets ou leur passion.

Beauty Toaster c’est une interview par semaine (tous les mercredis), avec déjà plus de 100 épisodes réalisés. Mais Beauty Toaster c’est surtout le 1er podcast beauté en France, alors on dit bravo !

BONJOUR CHANTAL, RACONTEZ-NOUS VOTRE PARCOURS, VOTRE HISTOIRE ?

J’ai un parcours universitaire, j’ai fait une maîtrise de langues étrangères appliquées, suivie de ce qui équivaut aujourd’hui à un Master 2 journalisme bilingue Français-Anglais. Mon projet était de travailler dans le domaine de la presse féminine, je n’avais pas du tout envie d’être grand reporter, ni de bosser dans la presse économique ou politique. Donc je me suis ensuite orientée vers la presse féminine, et vers la beauté. Il y a 25 ans, dans la presse française, il n’y avait pas de sujets de fond et d’analyses de tendances à traiter dans le domaine de la beauté.

Le domaine de la beauté était un sujet qui me fascinait. N’ayant pas du tout été élevée dans le culte des cosmétiques, c’est ce que je regardais essentiellement dans les magazines. Plus personnellement je trouvais qu’il n’y avait pas beaucoup de choses sur les peaux noires et les cheveux afros, donc c’est vrai que j’y allais en me disant « je vais quand même essayer de faire bouger les lignes »…ce qui n’a pas été facile du tout ! On ne pouvait pas proposer un sujet sur les peaux noires, ou sur les cheveux frisés ou afros, même jusqu’à encore récemment.

Quand on proposait un sujet, on nous répondait « ah c’est trop clivant ! ». Alors que j’ai des amies caucasiennes qui ont les cheveux aussi frisés que moi, voire plus, mais comme elles se font un brushing tous les jours, personne ne sait qu’elles ont les cheveux frisés. Mais dans la tête des rédactrices en chef de ces magazines-là, « cheveux frisés » rimait forcément avec « cheveux afros » et c’était considéré comme « pas vendeur », donc il ne fallait pas en parler. Aujourd’hui quand vous voyez des sujets dessus, c’est très opportuniste. C’est parce qu’ils ne peuvent plus faire autrement. Il y a encore 4 ou 5 ans de ça, c’était hors de question de montrer une fille noire ou asiatique sur un sujet beauté.

COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS VOTRE HISTOIRE CAPILLAIRE AVEC VOS CHEVEUX FRISÉS ?

Quand j’étais petite j’avais les cheveux longs. Ma mère nous faisait des tresses, c’était hors de question d’aller à l’école avec les cheveux lâchés, surtout qu’elle avait une peur folle des poux. Vers 17-18 ans je voulais avoir un cheveu lisse, c’était l’époque donc j’ai commencé les défrisages. Les produits de défrisage de l’époque étaient assez « violents », à base d’ammoniaque, de soude etc.., donc pas très cool. Mon cuir chevelu s’en souvient encore….J’ai fait ça pendant un moment, après je les ai coupés puis je les ai laissés pousser.

Après la naissance de ma fille en 2002, j’ai découvert le lissage japonais dans le salon Rino de Nicolo. Ils ont importé cette technique qui était géniale parce que j’avais un cheveu souple, vraiment top. Le défrisage bousillait les cheveux, vous étiez obligé de faire un brushing interminable pour avoir quelque chose mais le cheveu était rigide, limite brûlé. Ce que l’on obtenait avec un défrisage n’était jamais beau.

Puis ma fille en grandissant en a eu marre de ses cheveux frisés. Je lui faisais aussi des petites tresses pour aller à l’école. Mais elle voyait que j’avais les cheveux raides et elle se demandait pourquoi. De temps en temps je lui faisais des brushings parce qu’il était hors de question que je lui fasse de lissage ni même de défrisage, connaissant moi-même les dégâts que cela peut faire.

Mais elle ne comprenait pas, elle me disait « toi tu te laves les cheveux et tes cheveux sont raides après le shampoing, pourquoi ? ». Au bout d’un moment ça m’a travaillé. Je ne pouvais pas lui dire « il ne faut pas le faire » et continuer moi à le faire…ça n’avait pas de sens. Donc si je voulais qu’elle accepte ses cheveux il fallait que j’accepte les miens, et à partir de ce moment-là j’ai arrêté les lissages et j’ai commencé à les couper pour retrouver ma frisure naturelle.

Je n’ai jamais eu un rapport torturé à mes cheveux, j’ai toujours aimé qu’ils soient lissés ou pas lissés, mais ce n’était pas un complexe. Ça a toujours été serein. Je les lissais pour moi, pour un côté pratique parce que le lissage me facilitait vachement la vie. Le cheveu frisé doit être mis en forme et il est plus fragile. Quand j’ai arrêté les lissages, mes cheveux me demandaient beaucoup plus d’entretien que quand ils étaient lissés.

COMMENT PRENEZ-VOUS SOIN DE VOS CHEVEUX ? RACONTEZ-NOUS VOTRE ROUTINE CAPILLAIRE ?

Je change assez fréquemment de produits. Il y a des formules que je trouve pas mal, par exemple en ce moment je teste les produits de la marque américaine Virtue, qui est vachement bien et qui apporte de la kératine. Souvent les cheveux afros, frisés ou crépus, sont poreux, donc leur apporter de la kératine c’est pas mal.

En général je fais un masque sur cheveux secs que je laisse poser 15 minutes ou toute une nuit si vraiment je sens qu’ils sont très secs. Après je fais mon shampoing, je termine avec une crème de jour et basta. C’est vraiment super simple, sachant que le fait d’avoir les cheveux courts m’a pas mal allégé ma routine.

En même temps je trouve que trop de produits ce n’est pas forcément bon. Il faut beaucoup s’adapter à la saison, et surtout « toucher » son cheveu. On sent quand il est déshydraté ou quand il a besoin d’être nourri. Parfois avec les cheveux frisés on en fait un peu trop. Je me souviens parfois d’avoir appliqué des masques qui étaient vraiment trop lourds, et je ne m’en rendais pas compte. Il n’y a pas toujours besoin de mettre énormément de produits.

AVANT, VOUS PARLIEZ DE COSMÉTIQUE DANS UN FORMAT PRESSE. POURQUOI AVOIR MAINTENANT CHOISI LE FORMAT PODCAST ?

Ça s’est un peu imposé à moi parce que le magazine pour lequel je travaillais a fermé. Je me suis retrouvée à faire un peu de pige, mais la pige commençait à être tendue, il y en avait de moins en moins, c’était de moins en moins bien payé. Il y avait beaucoup de journalistes sur le marché. Je n’avais plus 20 ans donc je n’avais pas du tout envie de batailler avec des « gamines » qui avaient les dents plus longues que moi. Et puis je crois que j’avais un peu fait mon temps.

Je ne savais pas trop vers quoi aller. Je ne me voyais pas recréer un magazine parce que ce métier, soyons honnête, est mort, et il n’y a plus tant de gens que ça qui lisent la presse écrite. D’ailleurs, je le vois bien avec ma fille qui a 17 ans, pourtant elle en a vu des magazines à la maison, mais elle n’en lit pas un seul et elle n’en achète pas. Elle est sur les réseaux sociaux et c’est là qu’elle trouve ses infos, d’ailleurs elle en trouve bien plus que dans les magazines.

Un jour, je cherche des informations sur une marque américaine qui cartonnait, Drunk Elephant, qui était vu comme un cas assez unique. Petite marque (à l’époque) lancée par une mère de famille, Texane, qui se dit un jour « tiens mes enfants réagissent à tel ou tel produit, j’ai envie de créer une marque clean ». Donc elle lance sa marque, ça fait un carton, Sephora s’en rend compte, ils la distribuent et ça fait les meilleures ventes chez Sephora aux US en un temps record. Donc je cherche des infos sur cette marque puisque c’était quand même impressionnant, et je me dis qu’ils devaient bien avoir un compte instagram sympa parce que le nom est assez rigolo. En cherchant sur leur insta, je vois sur leur compte un post qui dit que la fondatrice de la marque a été interviewée dans un podcast et qu’il faut aller l’écouter. Et avant même d’avoir écouté, je me suis dit que c’était ça qu’il fallait que je fasse : que je fasse de la beauté en audio.

Il y a aussi eu un autre évènement : j’avais proposé un sujet sur les indie brands, les nouvelles marques beauté indépendantes qui se créent, à un magazine. La chef de service me l’avait refusé parce qu’elle m’avait dit qu’elles avaient fait un truc un peu approchant quelques semaines auparavant. Je connaissais le sujet et ça n’avait strictement rien à voir, mais bon, elle n’avait pas envie de mon sujet donc je me suis dit que j’allais le proposer à quelqu’un d’autre et j’ai laissé ça dans un coin de ma tête. Et quand j’ai vu ce truc sur Drunk Elephant, je me suis dit que si je voulais faire connaître ces marques et ces créateurs, qui de toute façon ne seront jamais dans un magazine parce que trop petits, parce qu’ils n’ont pas d’argent pour payer une page de pub, c’était le meilleur moyen pour leur donner une visibilité. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de créer Beauty Toaster.

C’était vraiment pour moi un moyen de faire ce que les magazines ne faisaient plus. Il fut un temps, vous pouviez trouver le portrait de quelqu’un qui avait créé une marque, un quart de page ou même une page entière sur des gens qui faisaient quelque chose de sympa dans le domaine de la beauté. Aujourd’hui c’est terminé, vous trouvez un pot de crème, une légende de 3 lignes et basta ! Il y a quelques sujets de fond mais on sent bien qu’il n’y a plus de place pour les jeunes marques et pour les jeunes créateurs, parce que l’idée c’est de parler des marques, mais c’est surtout de parler du parcours des gens qui les créent.

POUR LE PODCAST, COMMENT CHOISISSEZ-VOUS VOS INVITÉS ET QUE VOULEZ-VOUS FAIRE RESSORTIR DE CES INTERVIEWS ? QUEL EST VOTRE OBJECTIF ?

Je choisis les invités par intuition ou coup de cœur. Parfois je tombe sur un compte instagram que je trouve sympa, je regarde un peu l’univers. J’essaie de trouver des infos sur le créateur ou la créatrice pour savoir quelle est son intention, tout ce qu’il ou elle a mis de lui ou d’elle dedans. Je ne cherche pas des gens qui créent des choses extraordinaires, je crois que dans la beauté tout a déjà été fait, c’est un éternel recommencement, on n’invente rien. C’est souvent ce que je dis aux entrepreneurs qui veulent se lancer : personne ne réinvente la roue, on crée des variations mais on n’invente rien…surtout en cosmétique qui est un marché gigantesque avec des millions de produits à l’échelle mondiale, l’idée c’est de faire quelque chose qui vous ressemble.

J’aime bien aller vers des marques et des créateurs qui ont un engagement, que ce soit sociétal ou écologique. Je crois que c’est hyper important et c’est ce qui les différencie des marques classiques, conventionnelles qui sont toujours dans le même schéma, qui ne se préoccupent pas tellement de la planète mais plus de leur marge et de leurs actionnaires. Parfois des gens me contactent mais on sent que derrière il n’y a rien, ils font ça parce qu’ils se disent « ah ben tiens, la beauté c’est sympa, en ce moment ça bouge ». Bon, en général ils se rendent bien vite compte que ce n’est pas si simple que ça, qu’il faut durer, qu’il faut trouver son public, ses consommateurs et que ce n’est pas si évident et si facile que ça. Par ailleurs, la cosmétique est un domaine qui est hyper règlementé notamment en France et en Europe, donc quand on se lance il faut avoir les reins solides, avoir de l’argent, pouvoir faire faire les tests, trouver les flacons, etc…

EN TANT QUE SPÉCIALISTE COSMÉTIQUE ET EN RÉCOLTANT TOUS CES TÉMOIGNAGES DE CRÉATEURS ET D’EXPERTS, QUELS CHANGEMENTS À VENIR VOYEZ-VOUS ?

Je vois surtout que plus ça va aller, plus les grosses marques traditionnelles qui ont pignon sur rue depuis des années vont devoir se conformer à l’attente et aux exigences des consommateurs. Les jeunes consommateurs en particulier ont des revendications très nettes et je pense qu’ils ne sont pas du tout prêts à négocier. Elles veulent du clean, du bio, des choses qui soient recyclables. Et toutes les générations ont pris conscience de l’urgence climatique et écologique donc c’est inévitable, les grandes marques doivent prendre le pli.

Faire un beau rouge à lèvres avec un étui hyper beau mais pas rechargeable, ça ne sera plus possible. D’ici quelques années, il va falloir que ces gens-là se posent des questions. Je suis toujours triste quand je vois des beaux rouges à lèvres avec des petits fourreaux1 en cuir magnifiques que l’on doit jeter à la poubelle parce qu’on ne peut pas remettre un raisin2 neuf dedans, et je trouve ça complètement fou au XXIè siècle. Là il y a Hermès qui vient de se lancer et qui fait une proposition très différente, il faut espérer que ça va faire bouger les lignes, vu que c’est un « gros » qui le fait, et qui en plus le fait sur un lancement. Sachant qu’à l’origine il y a La Bouche Rouge qui s’est lancée il y a quelques temps avec un produit hyper luxe mais rechargeable, et je pense que Hermès s’en est beaucoup inspiré parce que c’était le 1er du genre.

La source d’inspiration des grosses marques vient des petites marques, alors qu’ils ont des moyens colossaux, des laboratoires, de l’argent. Chose que les jeunes créateurs n’ont pas, eux arrivent avec leurs idées et leurs indemnités chômage. Ils n’ont pas la force de frappe que les grosses marques ont, et pourtant ce sont eux qui arrivent avec leurs idées innovantes. Mais tant mieux, ça fait bouger le milieu et c’est très bien !

Je pense aussi qu’il y a des marques traditionnelles qui vont péricliter parce qu’elles ne pourront pas faire le changement assez vite. Et puis il y a surtout le changement de mode de consommation. Est-ce que les jeunes vont encore acheter leur gel douche ou leur maquillage en grande surface ? Je ne pense pas. Je ne suis pas sûre que la beauté dans les grandes surfaces ait un grand avenir, déjà parce que les gens fréquentent de moins en moins les grandes surfaces, et parce que je vois plutôt des enseignes de skincare ou haircare3 se développer, très spécifiques sur la peau ou sur le cheveu (donc pas généraliste comme un Sephora par exemple) avec une sélection de produits très pointus. Un peu comme ce qu’il se passe aux États-Unis avec les magasins Ulta, Follain ou Credo, qui ont une charte très spécifique, très stricte sur les produits qu’ils sélectionnent, et ça cartonne.

Donc je vois bien ce genre de magasins se créer. Le magasin n’est pas mort parce que souvent on entend « oh le retail4 c’est difficile », non ! Effectivement si vous êtes un généraliste c’est compliqué mais si vous vous spécialisez dans un créneau porteur, ça peut plutôt bien marcher.

EN TANT QU’INTERVIEWEUSE CHEVRONNÉE, QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS POUR DES INTERVIEWS DE QUALITÉ ?

Il faut vraiment chercher des infos sur la personne que l’on veut interviewer et bien regarder son parcours. C’est hyper important pour pouvoir poser les bonnes questions. Il faut trouver un ordre logique dans le déroulé des questions, il ne faut pas revenir sur des points, ça aussi c’est important. Il faut aussi avoir un angle, savoir sur quoi doit porter l’interview, et si on veut la faire porter plus sur la personne, sur les produits ou sur les engagements.

QUELS SONT VOS PROJETS À VENIR ?

Je vais faire sortir Beauty Toaster du micro et des enregistreurs !

L’idée est d’organiser des ateliers pour les consommateurs. J’en ai déjà organisé un pour les aider à s’y retrouver dans toute cette offre cosmétique, parce que j’ai souvent des questions du style « mais qu’est-ce que je dois choisir ? », « et si ça contient ça, est-ce que c’est dangereux ? ». Les gens sont vraiment paumés entre les applications et les discours un peu alarmistes qu’ils entendent. Ce qu’il se passe dans la beauté depuis quelques temps est assez anxiogène. Donc l’idée c’est de les remettre au centre et de leur montrer que non, ce n’est pas si compliqué de choisir ses produits, qu’il y a des choses à savoir et qu’on n’a pas besoin d’avoir fait un doctorat en chimie ou un master. Il faut reprendre les choses en main et ne pas se laisser « enfumer » par des discours alarmistes, et donc souvent opportunistes, qui ne mènent pas toujours vers les bons choix.

Je vais aussi organiser des ateliers à destination des entrepreneurs qui veulent lancer leur marque de cosmétique et qui n’ont pas toujours les clés, qui parfois galèrent pour trouver des fournisseurs, ou qui ne se rendent pas compte qu’il y a une règlementation à respecter, que l’on ne peut pas mettre en vente les produits que l’on a créé comme ça dans sa cuisine, etc…

Et évidemment il y a toujours les épisodes tous les mercredis de Beauty Toaster sur le blog et sur toutes les plateformes de streaming et de diffusion de podcast.

Un grand merci Chantal Soutarson pour cette interview !

Vous pouvez retrouver le podcast Beauty Toaster sur le blog du même nom, et sur toutes les bonnes plateformes de podcast (Soundcloud, iTunes podcast, Deezer, Spotify et autres…). N’hésitez pas à suivre les pages Facebook et Instagram Beauty Toaster pour ne pas rater les prochains épisodes.

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A très vite et prenez soin de vous !

Bouclément vôtre,

Christie

  1. Le fourreau est le terme technique désignant l’étui du rouge à lèvres
  2. Le raisin est le terme technique désignant le bâton de rouge à lèvres
  3. Skincare = soin de la peau / Haircare = soin des cheveux
  4. Retail = commerce de détail