Salut les Boucles et Bouclettes !

On est de retour cette semaine avec une nouvelle interview inspirante ! Nous avons discuté En Boucle etc…avec Méghane Monatus.

Méghane est créatrice de mode et mannequin, mais ce qui fait sa particularité c’est que Méghane est…petite ! Elle mesure 1m52. Alors je vous entends déjà dire « on peut être mannequin en mesurant 1m52 ??? ». Eh bien oui ! Et c’est justement pour cela que Méghane a créé Méghane M., sa marque de mode pour les femmes petites de taille (moins de 1m63, et pour toutes les morphologies, toutes les tailles), afin que ces femmes ne soient plus les oubliées du secteur de la mode.

Elle veut faire en sorte que la mode soit plus inclusive, que les femmes petites de taille soient plus visibles, qu’elles puissent prendre du plaisir à s’habiller et retrouvent confiance et estime de soi.

Son style : frou-frou, rock et XVIIIème. Méghane crée des vêtements et des bijoux, réalise des créations sur-mesure personnalisées, fait des shootings photo, défile, donne des cours de catwalk à ses mannequins, et a désormais son propre atelier en région parisienne. Bref elle a une énergie folle et on ne l’arrête plus !! Une interview détaillée et passionnante.

BONJOUR MÉGHANE, RACONTEZ-NOUS VOTRE PARCOURS, VOTRE HISTOIRE ?

J’ai un bac électrotechnique et un BTS assistant technique d’ingénieur. Mon père m’a un peu forcé à aller dans un lycée technique, mais mine de rien cela avait au final une certaine cohérence parce que j’ai appris des années après que mon lycée était à la base un lycée de fille et où on apprenait la couture.

Dans mes années lycée, j’avais déjà un style vestimentaire un peu particulier et ayant une sœur jumelle, c’était mon moyen de m’affranchir de ma gémellité et de me connecter avec mon « moi » profond. Comme j’étais très timide, mon style était aussi un moyen d’expression, donc c’était quelque chose de très important pour moi, mais je ne savais pas que ça allait avoir une incidence plus tard.

En parallèle j’ai toujours développé des compétences pour tout ce qui est artistique, et notamment le dessin depuis mon plus jeune âge, même si à l’époque du lycée j’avais complètement arrêté le dessin. Puis j’ai été graphiste et web designer. C’était vraiment ma passion mais à un moment j’ai senti que j’en avais fait le tour. Et à côté de ça j’avais dans la tête la volonté de faire en sorte que les femmes petites existent dans le secteur de la mode.

Notamment parce que quand j’étais enfant et qu’on regardait des défilés à la télé, j’entendais toujours ma mère dire « oh mais faut être grande pour porter ça ». En fait c’était une exaspération tout le temps parce que, comme elle est petite, elle se disait « moi je ne peux pas porter ça, je suis petite ». Et moi j’avais ma poupée Barbie et je ne comprenais pas : si on peut habiller une poupée avec des trucs encore plus petits, pourquoi pour ma mère on ne pourrait pas ? Ça m’a beaucoup marqué quand j’avais 7-8 ans, cette idée que pour être belle il faut être grande. C’est un vrai complexe, à tel point que certains veulent grandir à tout prix en prenant des hormones ou ce genre de chose.

N’y connaissant rien à la mode j’ai décidé de reprendre le dessin pour me rapprocher de mon rêve, alors que j’avais complètement oublié que quand j’étais petite je dessinais déjà des robes. Mon leitmotiv « qu’est-ce que j’aimerais trouver dans les boutiques en tant que femme petite de taille ? »

Mais la reprise du dessin a été douloureuse. Dès que je faisais un dessin ça ne me plaisais jamais et je le jetais. C’est quand j’ai décidé de regarder mes dessins avec bienveillance et de considérer cette seule action « dessiner » comme étant la plus précieuse que j’ai finalement trouvé mes dessins sympas, suffisamment beaux pour vouloir les rendre concrets en tissu. Mais je ne savais pas coudre, cependant j’étais persuadée qu’à partir d’un dessin on pouvait faire un vêtement.

C’est en allant voir des couturiers qui faisaient des retouches que j’ai compris qu’il me fallait des patrons et que je fasse un tour à la Fnac pour acheter des livres sur la couture et le patronage. Et quand j’ai vu à quoi ressemblaient des patronages, pour moi c’était comme les dessins techniques industriels que j’avais lorsque j’étais en électrotechnique ! Je ne voulais pas en entendre parler parce que je n’aimais pas la mécanique, je n’aimais pas tout ça donc je suis restée sur mon idée de faire un vêtement à partir d’un dessin.

J’ai finalement décidé de quitter mon travail de graphiste, et quelques jours plus tard je me réveille avec une envie : il me fallait une machine à coudre alors que je ne savais pas coudre ! J’ai écouté ma voix intérieure sans chercher à me demander « pourquoi », et j’ai trouvé une machine à coudre, de qualité en plus. J’ai acheté quelques tissus et j’ai commencé à découper et à coudre en suivant mon instinct. La passion a éclos quand j’ai fini ma 1ère réalisation, tout ça au départ pour me faire des vêtements enfin à ma taille et qui correspondent à mon style ! Puis j’ai été prise d’une espèce de « boulimie » et en moins de 2 mois j’ai réalisé 10 tenues. Mon style s’est affirmé au fur et à mesure, et aujourd’hui la marque a une identité marquée.

Ensuite je me suis posée la question de comment réaliser mon rêve et permettre aux femmes petites d’être sur des podiums. Je me suis dit qu’il fallait que j’incarne ma propre idée en étant moi-même un jour Mannequin petite taille. Je me disais que si un jour j’arrivais à défiler en tant que mannequin petite taille « dans mon cœur » au moins une fois (à savoir que c’était quasi impossible à faire à l’époque en 2008) alors j’ouvrirais ce concept à d’autres.

Un jour, une de mes connaissances, qui ne connaissait pas du tout mon projet, me dit d’aller voir une créatrice qui s’appelle Marcia de Carvalho pour que je lui montre ce que je fais. J’y vais, et Marcia de Carvalho, voyant mes créations dans lesquelles je posais, me propose de défiler dans son défilé, et de créer 2 ou 3 tenues dans lesquelles j’allais défiler également. Je devais créer des tenues avec son concept à elle qui était de récupérer des chaussettes orphelines (sa marque s’appelle Chaussettes Orphelines). J’ai créé des tenues, à ma sauce quand même, et je les ai portées pour le défilé qui avait lieu dans la mairie du XVIIIème arrondissement de Paris. Et en plus il y avait mon logo. Donc j’ai défilé à la fois en tant que, « dans mon cœur », mannequin petite taille et en tant que créatrice de mode, ce qui est curieux parce qu’en général le créateur ne défile jamais.

Le soir même, comme j’avais laissé mon book pour que les gens puissent voir mon travail, une personne est venue me voir pour me dire que je devrais aller au forum des arts à Saint Malo où je pourrais exposer mes créations et faire un défilé. J’ai dit « oui, oui », mais je n’y croyais pas parce que pour faire un défilé il faut des mannequins, et quand on disait mannequin à l’époque on parlait de femmes d’1m72 minimum. Sauf que moi je n’avais fait des vêtements que pour moi qui mesure 1m52 !

Quand mon dossier est accepté à ce forum, j’ai réalisé qu’il me suffisait d’utiliser tous les vêtements que j’avais faits pour moi, et de trouver des mannequins petites pour défiler. C’est de là que j’ai créé l’appellation de « mannequin petite taille » qui n’existait pas avant sur internet ou sur les réseaux à l’époque (c’est d’ailleurs un terme et un concept que j’ai déposé). C’est là que j’ai réalisé que grâce à mes vêtements j’allais pouvoir instaurer des femmes petites dans le secteur de la mode en tant que mannequins petite taille.

Comme j’étais timide, je n’allais pas aller dans la rue demander à des personnes si elles voulaient bien défiler pour moi. Déjà parce qu’on n’allait pas me croire vu que les mannequins petites n’existaient pas, et que quand j’ai déposé une annonce sur les réseaux, personne ne me croyait. Il a fallu que je mette des photos de moi avec mes créations pour montrer ce que mannequin petite taille pouvait être. C’est comme ça que j’ai eu des réponses et avec 8 jeunes femmes nous sommes parties à Saint Malo pour faire les défilés.

Puis très vite ça s’est enchaîné, j’étais régulièrement contactée et j’ai fait des défilés quasiment tous les 2 mois pendant au moins 2 ans. En 10 ans j’ai réalisé environ 30 défilés en France et à l’international. Sachant que je fais tout toute seule, la création et confection de vêtements, de bijoux, les répétitions, les castings, chercher des endroits pour faire les castings, chercher des mécènes, me former à l’entrepreneuriat. Mais je fais aussi les commandes sur mesures, la communication, l’administration de mon site internet, les montages vidéos des défilés et des parutions médiatiques, et je développe toujours plus mes compétences en couture puisque je suis autodidacte donc j’ai appris au fur et à mesure en faisant moi-même. J’ai réussi à faire vivre le concept de mannequin petite taille parce que j’ai d’abord décidé de l’incarner moi-même.

Mon objectif c’est de faire des vêtements qui vont servir, mais pas juste pour une fois pour un défilé. D’ailleurs je propose à mes clientes, pour qui je fais des vêtements sur-mesure, de défiler parce qu’en défilant elles vont être elles-mêmes et vont représenter d’autres femmes. De plus elles réalisent un rêve de toujours. Le but est de faire en sorte que le vêtement aille à une personne, et non pas qu’une personne aille à un vêtement. Mon adage étant une mode au service de l’être humain, pas l’inverse.

Maintenant j’ai enfin mon atelier pour recevoir mes clientes, les mannequins petite taille, pour faire des cours de catwalk (ouvert également au particulier) et bien sûr pour coudre et réaliser mes collections et depuis janvier 2020 pour recevoir des stagiaires Je dispose de ce qu’il me faut pour pouvoir faire grandir ma marque de vêtement. Surtout que cette opportunité s’est présentée environ 3 semaines après avoir reçu le trophée des entrepreneurs Afro-créoles (en l’occurrence j’ai eu le prix spécial de l’Union Nationale des Outre-mer). C’est une reconnaissance d’un travail de 10 ans, 10 années de labeur à faire valoir l’existence des femmes petites. Sachant qu’à l’époque quand je parlais de femmes petites, on pensait que je parlais de femmes atteintes de nanisme alors que non, je parle de femmes petites comme il y en a beaucoup dans notre entourage ou chez les stars (Eva Longoria, Kylie Minogue, Jada Pinkett et Lady Gaga font toutes autour de 1m55).

COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS VOTRE HISTOIRE CAPILLAIRE AVEC VOS CHEVEUX FRISÉS ?

Jusqu’à 22-23 ans je raidissais mes cheveux, je ne savais même pas que je pouvais garder mes cheveux ondulés. Mon père me les coiffait quand j’étais petite. Il les brossait donc ils étaient plus crêpés qu’autres choses et je ne voulais pas les garder comme ça. Je les raidissais pour avoir les cheveux plus lisses et disciplinés. À l’époque le raide était le must-have parce que laisser paraître le côté naturel des cheveux afro ou métissés était impensable.

Quand je raidissais mes cheveux, avec l’humidité de l’air, mes cheveux gonflaient donc j’avais une sorte d’afro. Du coup j’avais toujours droit à « ABC » des Jackson 5 comme chanson de bienvenue dans mon lycée (et on m’appelait aussi Diana Ross, c’est plutôt un compliment !). C’était très drôle mais je me rendais compte que les gens trouvaient mes cheveux étranges parce qu’ils étaient un peu raides mais en même temps un peu épais. Ma sœur ne se coiffait pas du tout pareil, donc mon « identité » physique se dégageait par le cheveu et par le vêtement. Aujourd’hui on m’appelle Prince à cause de la coiffure et de mon style vestimentaire, et parce que mon visage ressemble beaucoup au sien me dit-on régulièrement.

Quelques années plus tard, quand j’ai décidé de révéler ma véritable identité et que j’en avais marre de lisser mes cheveux, je ne savais pas que ça allait m’amener à découvrir que je pouvais garder mes boucles, mes cheveux au naturel. J’ai découvert des produits à l’aloe vera, notamment un gel coiffant, et depuis ce jour j’ai gardé mes cheveux au naturel. Les gens trouvaient que ça m’allait bien alors que moi je n’aimais pas, je ne me trouvais pas belle parce que je ne jurais que par les cheveux lisses.

Pour faire confiance aux regards bienveillants que les gens me portaient, je me suis dit que j’allais me forcer à les garder comme ça. Et comme à chaque fois j’avais des compliments, je me suis dit « soit les gens ont du caca dans les yeux, soit c’est moi qui doit avoir un problème ». J’ai considéré que c’était moi qui devait avoir un problème parce qu’il ne pouvait pas y avoir autant de gens avec « du caca dans les yeux » !

J’ai compris que je n’avais pas un regard bienveillant sur moi et qu’il fallait que je le change pour avoir le même regard que les gens portaient sur moi. D’où l’intérêt de toujours développer un regard bienveillant sur soi. Voilà comment j’ai réussi à trouver une coiffure qui révélait bien ma nouvelle et véritable « identité », avec mes racines, le côté plus négroïde que je trouvais que je n’avais pas suffisamment.

COMMENT PRENEZ-VOUS SOIN DE VOS CHEVEUX ? RACONTEZ-NOUS VOTRE ROUTINE CAPILLAIRE ?

J’ai découvert que je n’avais pas besoin de passer 1h30 à défriser mes cheveux avec le fer à lisser, mais qu’il suffisait juste que sous la douche je mette de l’eau chaude sur mes cheveux et hop, j’avais mes petites boucles qui ressortaient. Et puis mettre dessus une noix de gel coiffant, et terminé, voilà ! Du coup ça m’a plu parce que je ne savais pas que je pouvais ne pas passer un temps infini sur mes cheveux. Pour moi les cheveux étaient trop importants, c’est la 1ère chose que je regardais. Si mes cheveux ne sont pas comme j’aimerais qu’ils soient, je ne me reconnais pas et je ne me trouve pas belle.

Je crois que les cheveux sont un réflecteur de comment on arrive à se trouver. Si on les trouve moches, on va se trouver moche, si on les trouve beaux, on se trouve beau. En fait si je dois m’occuper de quelque chose avant le visage, ce sera les cheveux, il faut que ma coupe me plaise. Si ma coupe ne me plaît pas, il y a quelque chose qui ne va pas.

Le fait de les laisser bouclés c’était aussi comme si je me libérais. Je veux les laisser être donc moi aussi je veux me laisser être. Je pense que quand on laisse ses cheveux bouclés/frisés comme ça, à l’air, lâchés, c’est comme si on lâchait aussi soi-même quelque chose. Le fait de laisser sa nature de cheveux s’exprimer c’est comme réussir à ne plus être dans le contrôle.

A part le gel à l’aloe vera, j’utilise un shampoing à l’aloe vera. Il m’est aussi arrivé de faire des expériences avec des huiles, mais je ne suis pas très « huile » pour mes cheveux, j’ai l’impression que ça ne leur va pas énormément. Peut-être si je veux vraiment en prendre soin, si j’ai les cheveux cassants ou ternes, là je peux mettre un peu d’huile mais au fur et à mesure je reviens à mes basiques.

Je lave mes cheveux 1 fois tous les 10 jours, rarement 1 fois toutes les semaines sauf si je trouve qu’ils en ont vraiment besoin. Mais je ne vais pas les laver 2 fois par semaine, surtout que ça me prend bien 1h pour les laver, les démêler, etc…Dans la semaine je ne les coiffe pas, je me contente de les mouiller le matin pour qu’ils reprennent leurs boucles et terminé. Je ne les coiffe que lorsque je fais mon shampoing. Ma nature de cheveux métissée (c’est le cas pour les cheveux typés afro) ne demande pas de les laver tous les 2/3 jours comme les cheveux type européen, mais demande une bonne hydratation.

HORMIS VOTRE MARQUE, TROUVEZ-VOUS QUE LE DOMAINE DE LA MODE S’AMÉLIORE EN TERME D’INCLUSIVITÉ ?

Oui et non.

Il y a toujours un côté marketing. Pour les sites en ligne, qui vendent aujourd’hui des vêtements pour les personnes petites, je n’ai jamais acheté chez eux mais on m’a souvent dit qu’un produit va convenir à une personne qui fait 1m63 mais pas forcément à une personne qui fait 1m53. Et dans la plupart des boutiques en ligne ou des boutiques physiques, la taille S est trop grande. Maintenant les marques veulent tellement flatter leur clientes, elles veulent leur faire croire qu’elles font du S. En vérité le S que l’on met maintenant correspond à du M d’hier. Donc celles qui font réellement un S ou un XS ne trouvent pas parce que le S ou le XS aujourd’hui sont en fait trop grands.

Quand j’étais au lycée on m’a offert une jupe de la créatrice Emmanuelle Khanh de taille 36. Depuis le lycée je n’ai jamais changé de taille, je fais toujours une taille 36 d’avant, qui correspond à une taille 0 d’aujourd’hui. Alors que maintenant la véritable taille 36 n’existe plus, elle est changée par une taille 38-40. C’était déjà difficile quand j’étais au lycée de trouver des vêtements à ma taille, sauf chez Pimkie et Jennyfer mais c’est tout. Je trouvais quelques vêtements en taille 32 qui correspond au 36 d’hier et à la taille 0 aujourd’hui. Mais quand on n’est plus adolescente, que l’on devient une jeune femme et qu’on a envie d’avoir un style un peu différent, ces magasins ne conviennent plus. Et donc on va où ?

C’est pour cela qu’il y a des femmes qui s’habillent en taille 12 ans, elles ressemblent plus à des femmes-enfants. Ces vêtements ne sont pas adaptés à leur âge, le choix est limité, ça ne fait pas ressortir leur beauté ni leur féminité pour celles qui souhaitent la développer. Sauf si on va chez des grands créateurs sûrement mais c’est un peu élitiste.

C’est pourquoi je veux que mes créations soient accessibles à toutes, c’est mon objectif mais ça va être un vrai challenge. Faire sortir des séries coûte de l’argent, et en amont il faut trouver des boutiques qui veuillent distribuer une marque qui veut valoriser les femmes petites. Mais il n’y en a pas beaucoup, parce que d’après eux il n’y a pas de clientes petites. Et comme ils ne veulent produire que des 38-40 pour être sûr de vendre…c’est comme les chaussures, il n’y a qu’une pointure 36 sur le stock de chaussures qu’ils vont recevoir, on tombe dessus c’est génial, on ne tombe pas dessus tant pis.

Il y a les accessoires aussi, pour les ceintures il manque toujours au moins 10 trous pour que l’on puisse mettre une ceinture normalement. Pareil pour les sacs, parfois on ne peut pas changer le rapport de bandoulière du sac à main, on se retrouve avec des sacs trop longs, et on renvoie une image déstabilisée et pas harmonieuse parce que le sac ne « tombe » pas au bon endroit. Et il y a encore beaucoup de choses comme ça.

Tout doit correspondre à la morphologie, à la taille de celles qui les portent. Souvent les gens me disent « mais toi tu n’es pas petite », sauf que tout est adapté à ma taille et ma morphologie donc je ne « fais » pas petite. C’est ce que je veux pour mes clientes. Quand elles se voient dans un vêtement ou accessoire dont la coupe correspond à leurs morphologies, elles voient qu’elles peuvent avoir une taille fine, qu’elles peuvent porter du long, qu’elle peuvent être féminine et bien plus belle et en accord avec leur corps et leur morphologie.

Le mot « petite taille » commence enfin à être associé avec « féminin », « sexy », « beauté », j’ai au moins réussi à faire avancer ce sujet. D’ailleurs avant quand je recevais des candidatures spontanées de femmes jeunes et moins jeunes, elles me disaient qu’elles avaient toujours très mal vécu le fait d’être petite, que c’était un complexe. Alors que les messages que je reçois chaque jour depuis 4-5 ans sont très différents, elles me disent qu’elles veulent montrer que les femmes petites ont leur place dans la mode. Ça a changé, ce n’est plus un complexe et elles ont compris qu’elles peuvent être belles en étant petites, donc ça c’est gagné !

QUAND VOUS AVEZ LANCÉ VOTRE PROJET, VOUS NE SAVIEZ PAS COUDRE. QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS À UNE PERSONNE QUI SOUHAITE LANCER UN PROJET MAIS QUI N’OSE PAS PARCE QU’ELLE N’A PAS DE COMPÉTENCE DANS LE DOMAINE DU PROJET ?

En effet je ne connaissais rien en couture et rien à la mode mais je me suis dit qu’il fallait que je commence par une chose que je sache faire et qui me relie à la mode. C’est comme ça que j’ai décidé de reprendre le dessin et que tout a commencé.

Mon conseil pour quiconque qui souhaite développer quelque chose c’est d’être dans l’action, quelle qu’elle soit, même aussi petite soit-elle. Une action peut toujours porter ses fruits si on la dirige avec sa conscience et avec l’idée de créer les meilleures conditions possibles pour réaliser ce que l’on souhaite. Ça se fait par des rencontres, par des recherches…après c’est la vie qui nous surprend. Mais dans sa conscience, il faut être en parole-pensée-action.

Je crois que dans la vie il n’y a rien de hasardeux, on peut tout créer y compris les circonstances, avec nos paroles, nos pensées, nos actions. J’ai décidé de créer les conditions et les circonstances qui me permettent de défiler un jour en tant que mannequin petite taille, et ça s’est produit de façon hasardeuse, sans crier gare, mais ça s’est produit. Ce qui prouve bien qu’on peut créer les conditions par nos désirs puis l’univers et nos actions font le reste.

D’ailleurs en janvier 2018 j’avais décidé de défiler pour Jean-Paul Gaultier d’une manière ou d’une autre pour encore plus insérer les femmes petites dans les défilés haute couture par exemple. Et bien en octobre 2018, ce rêve s’est réalisé (2 fois en plus !) lors du Fashion Freak Show aux Folies Bergère. Je n’aurai jamais pu imaginer de telles circonstances, il n’en est pas moins que j’ai réalisé mon rêve, et à temps, puisque Jean-Paul Gaultier a arrêté ses défilés un an plus tard.

VOUS CITEZ SOUVENT LA PHRASE DE GANDHI “SOYONS LE CHANGEMENT QUE NOUS VOULONS VOIR DANS LE MONDE”. QU’ÉVOQUE-T-ELLE POUR VOUS ?

Cette phrase m’a portée pour me déterminer à m’engager en me disant « si j’arrive moi-même à être mannequin petite taille un jour, je peux le faire pour d’autres ». C’est là où j’ai compris qu’il n’est pas facile pour une femme petite de se mettre sur un podium et de prétendre être comme un mannequin. Donc être la 1ère à le faire ce n’est pas facile parce qu’on a peur des critiques, de la moquerie.

A chaque fois il fallait que j’ouvre le défilé parce que la plupart des femmes qui me suivaient, et pour qui c’était une 1ère expérience, avaient très peur d’aller sur le podium parce que ça n’a jamais été notre place au départ et on nous l’a tellement fait savoir. Et le jour où on a la chance de pouvoir défiler on se dit « ben non, les gens vont se moquer de moi ». Donc j’ouvrais le défilé comme pour leur donner du courage, et j’en ai fait une habitude : à chaque fois que je fais un défilé, je l’ouvre et je le ferme.

Une autre phrase qui m’inspire beaucoup est celle de Daisaku Ikeda « Une chose est certaine : c’est que le pouvoir de la croyance, le pouvoir de la pensée, bougera la réalité dans le sens de ce que nous croyons et concevons. Si vous croyez vraiment que vous pouvez faire quelque chose, vous le pouvez. C’est indéniable. »

Je voulais vraiment que la mode s’ouvre à ces personnes qui étaient toujours recalées parce qu’elles sont petites, comme si elles ne pouvaient pas faire partie des critères de beauté. Il existe une mode pour les femmes rondes, je ne comprenais pas pourquoi la mode pour les femmes petites n’existaient pas, et pourquoi on était relayée au rayon « enfants ». C’était injuste et je voulais une mode qui soit au service de l’être humain.

L’idée est que mon concept puisse vraiment s’ouvrir parce que, par exemple, même pour les femmes rondes, on ne met jamais de femmes petites. Dès lors qu’on est petite, que l’on soit petite et ronde, petite et mince, petite et moyenne, ou autre, on est recalée !! C’est ce dont je ne veux plus, c’est mon combat pour redonner confiance et estime de soi à toutes celles qui en manquaient cruellement parce que la mode leur a dit qu’elles n’étaient pas belles et qu’elles ne pouvaient pas représenter la beauté.

QUELS SONT VOS PROJETS À VENIR ?

Mon gros projet est de lancer une série de quelques créations pour les rendre accessibles physiquement en boutique.

Je suis aussi en train de créer une nouvelle collection. Je me laisse inspirer par l’air du temps, l’objectif est de créer de la valeur, que ça touche le cœur de quelqu’un ou que ça aide à valoriser une personne. Le processus de création est assez particulier, j’ai vraiment besoin d’être dans ma bulle et je « rejette » presque l’extérieur à ce moment-là parce que l’énergie créatrice peut partir comme elle est venue. J’ai l’impression d’être associable et c’est très difficile à comprendre pour les gens autour de moi parce que je ne suis plus disponible pour eux. Mais c’est vraiment nécessaire de m’isoler sur une période donnée mais indéterminée, pendant laquelle j’ai besoin de rester concentrée sur la création pour ne pas perdre le fil, surtout quand, comme moi, on créé tout tout seul.

Je mets aussi en place des cours de catwalk pour celles qui veulent apprendre à marcher avec des talons, que ce soit pour du professionnel ou du personnel, pour se réapproprier son côté féminin. Mais aussi pour celles qui veulent apprendre à défiler ou être mannequin petite taille notamment. J’ai notamment donné des cours à des mannequins (de 1m72 et plus), en partenariat avec la société Luxury Affaires, qui ont défilé à l’Hôtel du Louvre lors de la dernière fashion week en Mars. J’étais également leur chorégraphe. J’ai aussi dans l’idée d’ouvrir une agence de mannequin donc ça va me permettre d’amorcer cela en permettant à ces femmes de savoir défiler. Les participantes seront diplômées par cette société (Luxury Affaires).

Et évidemment continuer les commandes sur-mesure, les retouches, le up-cycling, etc…, avec notamment de nouveaux challenges. Par exemple un jeune homme qui souhaite sublimer son côté féminin m’a demandé de lui faire une robe sur-mesure. Mon idée, que ce soit pour un homme ou pour une femme, est de révéler son véritable soi par le vêtement, d’extirper ce véritable soi que l’on a peut-être caché et de faire comme une seconde peau.

Un grand merci Méghane Monatus pour cette interview.

Vous pouvez retrouver Méghane avec sa marque Méghane M. sur ses pages Facebook et Instagram.

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A très vite et prenez soin de vous !

Bouclément vôtre,

Christie