Illustration extraite de « Dans mon Tiroir », la BD de Marine Spaak créée pour le magazine en ligne Femmes Plurielles

Vous avez sûrement déjà entendu cette phrase? Notamment quand on vous coiffait, non?

Perso, je l’ai TELLEMENT entendue quand j’étais jeune, spécialement pour l’entretien et le soin de mes cheveux crépus. En général  je l’entendais dans un moment de douleur physique, comme si cette phrase avait le pouvoir de m’apaiser. Et elle l’avait, ou en tout cas elle avait le pouvoir de mieux me faire supporter le mauvais moment, plus ou moins long, à passer. Mais pourtant quelque chose m’a toujours agacée, contrariée, interpellée dans cette phrase, sans savoir quoi.

Depuis, j’ai compris ce qui me dérangeait : pourquoi devoir souffrir volontairement ? N’est-ce pas plus efficace de prendre du plaisir pour être belle ? Et puis être belle pour qui ? Est-ce qu’il faut souffrir pour être belle aux yeux des autres ? Est-ce que je ne préfèrerais pas être belle pour moi avant d’être belle pour les autres ? Et d’ailleurs ce diction ne dérange personne depuis le temps ?

« IL FAUT SOUFFRIR POUR ÊTRE BELLE » ?

Ma mère me répétait souvent cette expression quand j’étais jeune, quand elle me peignait les cheveux pour défaire mes nœuds et que je grimaçais de douleur. Ma coiffeuse aussi me la répétait, quand le produit défrisant commençait à me brûler le crâne mais qu’il fallait que je le laisse encore poser 5 à 10 minutes (10 minutes !! Je ne vais jamais tenir !!!). Cette fameuse phrase, que je pensais sacrée tel un guide de vie, me permettait de supporter ces douleurs puisqu’à la fin “je serai belle”, enfin c’est ce que je pensais. Plus de 20 ans plus tard, je suis en total désaccord avec cette injonction qui est pourtant transmise de mères en filles, de grands-mères en petites-filles, toute culture confondue. Mais non, non et encore non, il n’est pas nécessaire ou obligatoire de souffrir pour être « belle » !!

Il y a une autre phrase que ma mère me répétait souvent : « les cheveux font la beauté de la femme, une femme avec de beaux cheveux est une belle femme». Cette phrase m’a fait comprendre que la beauté et les cheveux, en tout cas pour les femmes, sont très liés. Avec le recul, j’ai compris que c’était en fait une invitation à aimer mes cheveux crépus tels qu’ils sont, et à en prendre soin. Mais à l’époque, j’interprétais mal cette phrase car ma vision était totalement faussée par ce que la société nous disait être « beau ». Et j’en ai déduit, à tort, qu’il fallait que je transforme mes cheveux pour qu’ils soient « beaux » aux yeux des autres, et donc aux miens.

Depuis, j’en suis arrivée à me demander : Faut-il d’abord avoir de beaux cheveux pour se sentir belle ? Ou faut-il se sentir belle pour avoir de beaux cheveux ? En gros qui de l’œuf ou de la poule est arrivé en premier ? Et puis d’abord, qu’est-ce qui définit la « beauté » ?

MAIS AU FAIT C’EST QUOI LA « BEAUTÉ » ?

Tout d’abord, repartons de la définition du mot « beauté ». En comparant les résultats de différents dictionnaires (larousse.frlinternaute.fr et wiktionary.org) on trouve :

  • Sens 1 : Qualité de quelqu’un, quelque chose qui est beau, de ce qui est esthétique à la perception, conforme à un idéal esthétique
  • Sens 2 : Caractère de ce qui est digne d’admiration par ses qualités intellectuelles ou morales
  • Sens 3 : Très belle femme, séduisante, jolie fille

Trois choses m’ont marquée dans cette définition : les mots « idéal esthétique », « perception » et le sens 3 évidemment. Car le sens 3 nous indique que « beauté » est une caractéristique de femmes, et on comprend mieux pourquoi c’est une notion qui est inculquée aux petites filles, explicitement ou implicitement. On comprend aussi qu’une jeune fille intègre qu’elle doit correspondre à un « idéal esthétique », même si c’est une question de « perception ». Mais alors comment définit-on cet « idéal esthétique » et que fait-on de la notion de « perception » ?

Je pense que « l’idéal esthétique » vient tout d’abord des personnes qui nous entourent et que l’on admire, et de comment nous nous identifions à elles, en particulier quand nous sommes jeunes. Il n’y a qu’à voir les groupes de collégiens ou lycéens qui s’habillent pareil, portent les mêmes sacs ou les mêmes chaussures. Pour ma part, je suis la seule fille de ma fratrie, élevée en France en étant la seule fille noire de la maternelle à l’école d’Ingénieur (Ok j’exagère, au collège nous étions 2, Yééééééh!). J’ai donc probablement eu tendance à m’identifier à mes amies aux cheveux lisses tout en constatant que mes cheveux étaient très différents, mais minoritaires donc beaucoup moins en ligne avec ce fameux « idéal esthétique ».

Il faut y rajouter les représentations extérieures (télévision, journaux, cinéma) qui, au cas où on ne l’aurait pas bien compris, viennent renforcer le fait que « l’idéal esthétique » semble avoir les cheveux lisses. J’en déduisais donc que j’en étais très (trop) éloignée, sauf si je modifiais l’apparence de mes cheveux ou que je les défrisais…et si je devais aussi souffrir pour le faire, eh bien ça m’assurait un résultat de toute beauuuté, pas vrai ?

SE SENTIR « BELLE » POUR NE PLUS SOUFFRIR

C’est là qu’on en vient à cette fameuse notion de « perception ». Car oui, ce qui est perçu comme « beau » l’est de façon différente en fonction des personnes, de leur vécu, de leur histoire, de leurs valeurs, et bien sûr des messages subliminaux reçus via les médias et la société. Alors pourquoi s’évaluer par rapport à quelque chose d’aussi aléatoire et changeant ?

Ici, par « se sentir belle » je ne parle pas d’une notion d’esthétisme comme dans les sens 1 et 3, mais d’une notion de valeur se rapprochant du sens 2. Et je ne parle pas non plus de beauté intérieure, ce qui serait trop simple. Je préfère considérer la beauté, non pas comme un « idéal esthétique », mais comme une chose d’une grande valeur à nos yeux, comme dans l’expression « c’est un beau geste » ou « c’est une belle personne » qui soulignent la valeur d’une action ou d’une personne. Et comme la valeur est aussi aléatoire et changeante en fonction des personnes, faisons preuve d’égoïsme (pour une fois) et ne pensons qu’à nous : accordons-nous de la valeur, à nous (et aux autres aussi bien sûr) !! Je suis intimement persuadée que c’est en s’accordant de la valeur, ou encore plus de valeur, que l’on peut s’affranchir de cet « idéal esthétique », se sentir « belle » et enfin assumer ses cheveux à boucles.

Pour moi, cela s’est passé l’année de mes 30 ans. Je pensais m’accorder déjà assez de valeur mais manifestement non. A cette époque, la catastrophe pour moi (si si, je vous assure) était de ne pas réussir à avoir de rendez-vous chez le coiffeur tous les 4 mois pour défriser mes racines crépues. Je me pensais « belle » aux yeux des autres avec mes cheveux défrisés lisses. Mais en fait je ne m’accordais aucune valeur puisque j’abîmais mes cheveux et que j’étais prête à me faire brûler le crâne pour ça. Sinon pourquoi je continuais ? Je voyais pourtant mes cheveux devenir de plus en plus cassants, de plus en plus fins, et ma coiffeuse faire de plus en plus cette grimace très expressive du « je te coiffe comment aujourd’hui, parce que là vraiment je ne sais plus quoi faire ?»

Alors j’ai dit stop. Puis j’ai pleuré, beaucoup, par peur de ne plus plaire en revenant à mes cheveux naturels. J’ai ensuite pris conscience que je ne pouvais pas avoir honte, à mes yeux et aux yeux des autres, d’être juste moi, authentique, naturelle, et tant pis pour ceux qui ne comprendraient pas mon choix. Puis j’ai erré à la recherche de conseils sur le soin de mes cheveux crépus (j’erre toujours d’ailleurs haha), et résultat :

  • gain de confiance en moi, mais surtout gain de fierté d’enfin comprendre et assumer mes cheveux au naturel, et gros gain d’amour pour ces cheveux si versatiles
  • retour au vestiaire de cette fichue comparaison à « l’idéal esthétique » et de la souffrance (allez oust !)
  • et conversion de mon entourage (les mêmes qui me préféraient avec les cheveux bien lisses, tiens tiens).

Je suis profondément convaincue que tout démarre en s’accordant plus de valeur et d’estime de soi, encore plus qu’on ne le fait déjà (attention je ne parle pas d’avoir les chevilles qui enflent hein), et en prenant du plaisir à s’occuper de soi. Se sentir « belle », prendre soin de soi et avoir de « beaux » cheveux suivent ensuite, que vous décidiez de les porter au naturel ou pas. Cela rejaillit sur ce que l’on dégage et donc sur les autres. Et c’est là que l’on bouscule les « idéaux esthétiques » chez les autres. Et bim, la boucle est bouclée, au moins à petite échelle ! La route est encore longue pour changer les choses à grande échelle…ça vous dit de le faire ensemble ?

Et vous ? Quelle est votre expérience de la beauté, de l’estime de soi et des injonctions ? Avez-vous réussi à faire changer les a priori esthétiques autour de vous ? Racontez-nous votre histoire et donnez-nous votre avis sur ces sujets.

A très vite !

Capillairement & Légèrement vôtre,

Christie